Frédéric Hocquard : le grand prix de la création de la ville de Paris
Olivier : bonjour Frédéric Hocquard, depuis 2017 vous êtes l’adjoint à la Maire de Paris chargé de la vie nocturne et de la diversité de l’économie culturelle. Avant cela, vous avez été le directeur de l’agence Arcadi qui accompagnait les scènes nationales et les directeurs de théâtres de la région Île-de-France dans la création de représentations, que ce soit en termes de financement, de logistique ou bien de diffusion. Arcadi produisait également des données et des analyses sur le champ de la création théâtrale. Vous avez aussi été responsable de la structure Confluences fondée en 1975 par Jean Diard. Initialement axée sur l’accueil de réalisateurs et de plasticiens, Confluences est ensuite devenue pluridisciplinaire à partir des années 2000 pour s’ouvrir à la photographie, au théâtre, à la danse et à la musique. Porter le Grand prix de la création de la ville de Paris était donc une évidence. Vous pouvez nous en dire davantage ?
Le Grand prix de la création a été fondé à une époque où il existait encore peu de récompenses de ce genre pour les créateurs
Frédéric Hocquard : le grand prix de la création n’est pas tout jeune, il a près de 25 ans maintenant. Le prix a été fondé en 1993 avec l’idée de mettre chaque année à l’honneur des créateurs jeunes ou confirmés afin de leur donner un petit coup de pouce. Paris est un lieu où beaucoup de choses se passent en termes de mode, de design et de métiers d’art, il était donc normal de faire jouer la notoriété de la ville pour aider les créateurs qui en valent le coup. La chose peut paraître évidente aujourd’hui, à une époque où le luxe est devenu le fleuron de l’industrie française et où les prix se sont multipliés mais ce n’était pas le cas au début des années 90 : il existait alors peu de récompenses sur le sujet. Et c’est l’une des raisons pour lesquelles le Grand prix de la création demeure encore aujourd’hui un prix reconnu et coté.
L’écologie n’est plus une simple dimension anecdotique des projets, elle est devenue la nouvelle base de la création
Olivier : qu’est-ce qui a notablement changé en 25 ans ?
Frédéric Hocquard : la relation à l’éco-responsabilité. Si nombre de porteurs de projets intégraient déjà les aspects durables à leurs créations, l’écologie n’est plus aujourd’hui une simple dimension parmi d’autres. Elle est de plus en plus au coeur des projets qui nous sont soumis. Les projets sont pensés d’emblée comme écologiques et durables : l’écologie est devenue une base de création.
Olivier : vous avez modifié des choses dans le fonctionnement du prix depuis que vous en êtes responsable ?
Frédéric Hocquard : jusqu’à présent, le président du jury était l’adjoint au maire chargé de ces dossiers. J’ai une sensibilité artistique évidemment, je viens du monde du théâtre et de la culture, mais il me paraissait plus judicieux de confier la présidence du jury à des personnalités dont le talent et le parcours donnerait une plus grande assise et une plus grande magnitude au prix.
L’enjeu pour nous est de maintenir les filières de production au sein du territoire
Olivier : en quoi le Grand prix de la création aide-t-il Paris à se positionner dans le jeu des grandes métropoles Européennes ?
Frédéric Hocquard : les métropoles européennes sont des amies, pas des concurrentes. Et d’ailleurs chacune a sa spécialité. Dans notre cas, par exemple, nombre de maisons de haute couture sont installées à Paris, nous possédons l’une des plus grosses fashion week du monde et nombre de lieux de fabrication sont encore implantés en France et dans la région. Notre vrai défi n’est pas tant de dépasser les autres métropoles -il y a déjà suffisamment de choses qui se passent à Paris en la matière, notre vrai défi est de maintenir les filières de création et les métiers d’art sur le territoire. C’est toute l’essence du travail que nous menons avec les ateliers de paris : exactement comme Chanel regroupe en ce moment même l’ensemble de ses métiers au sein d’un pôle de 15.000 m2 dans la ville d’Aubervilliers, nos ateliers fournissent une plateforme unifiée aux jeunes créateurs au sein même de la ville de Paris. Cela permet de développer de la visibilité, de mieux organiser la logistique et de construire des partenariats plus élaborés.
Nombre de créateurs de talent n’étaient pas reconnus ou récompensés malgré des carrières longues et méritoires
Olivier : pourquoi ce choix de récompenser de jeunes talents mais également des talents confirmés ?
Frédéric Hocquard : nous nous sommes progressivement rendus compte qu’un certain nombre de créateurs de talent qui exerçaient à Paris n’avaient pas forcément eu la reconnaissance qu’ils méritaient. Nous avons donc décidé de corriger cela en consacrant des parcours souvent longs et méritoires.
Olivier : des lauréats vous ont particulièrement marqués ?
Frédéric Hocquard : une lauréate en provenance du Viaduc des arts qui réalisait des mosaïques. Le résultat était époustouflant. La technique peut paraître simple mais le geste est en réalité très technique et le résultat proprement créatif. Je pense à un autre projet également, basé sur l’économie de matériaux et qui nous a fortement marqués : le but du jeune créateur était de fabriquer du mobilier tubulaire avec le moins de pertes possibles. En plaçant l’écologie au centre du projet.
Les métiers de la création ne se prêtent pas aux courses technologiques effrénées. Il s’agit pour les designer de conserver du sens et du savoir-faire
Olivier : les nouvelles technologies ont-elles pris davantage de place ces dernières années ?
Frédéric Hocquard : je vois plus d’hybridation que d’innovation pure. Certaines techniques ou certaines technologies qui pré-existaient dans d’autres pays, au Japon par exemple, sont reprises par de jeunes créateurs européens qui les détournent ou qui les réadaptent à leurs besoins. Le pliage par exemple. Mais nous avons assisté à peu de vraies ruptures technologiques. Probablement parce que ce qui préoccupe nos candidats, c’est le produit fini. La finalité, pour eux, c’est l’objet et c’est l’artisanat, plus que la course effrénée aux nouvelles technologies qui est souvent vue comme peu durable et moins qualitative par le milieu de la création.
La mairie finance l’essentiel de la dotation. Les marques partenaires fournissent visibilité et débouchés
Olivier : dernière question, comment les marques qui soutiennent le prix (Galeries Lafayette, ESMOD, Première classe, AD, intramuros…) s’impliquent-elles ?
Frédéric Hocquard : sous la forme de partenariats de visibilité et d’emploi. C’est la mairie qui donne l’essentiel de la dotation. Les marques sont là pour aider nos jeunes créateurs à s’établir et à trouver des débouchés.