UCPA : un ADN de solidarité
Olivier : bonjour Laurence, tu es responsable solidarité chez UCPA. Rattachée à la direction de la stratégie éducative et sportive en Direction générale, ta mission au quotidien consiste à travailler sur les publics jeunes en situation de fragilité que ce soit pour des raisons sociales, territoriales ou bien à cause d’un handicap. Le but étant de s’assurer qu’ils aient accès comme tous les autres à une pratique sportive durant leur temps de loisirs et leur temps de vacances. L’UCPA communique peu sur ces questions. Est-ce que tu voudrais bien nous en dire davantage ?
Laurence : l’UCPA communique peu sur ces questions parce que sur ces sujets, nous sommes plus soucieux d’être dans l’action concrète que dans l’image.
Le premier axe de notre projet de solidarité consiste à utiliser la pratique sportive comme support à l’accompagnement éducatif et social
Notre projet « solidarité égalité des chances » est bâti sur 4 axes. Le premier axe consiste à utiliser la pratique sportive comme support à l’accompagnement éducatif et social en lien avec des partenaires prenant en charge les jeunes en situation de fragilité. Après de nombreuses années d’engagement social et solidaire, nous avions presque oublié de parler des apports de la pratique sportive : ça allait de soi. Mais si, pour nous, les bienfaits du sport sont une évidence, il était nécessaire de rappeler l’importance de son impact éducatif et social.
Le sport est un outil formidable qui permet à nombre de structures sociales qui l’ont placé au centre de leur action de faire évoluer les comportements individuels et collectifs. A Saint-Denis par exemple ou bien encore à Vincennes, la pratique de l’équitation nous permet de travailler sur les problèmes de décrochage scolaire. Nos ateliers aident les élèves à acquérir des compétences directement ré-employables en milieu scolaire : estime de soi, confiance, prise de conscience qu’un comportement est inadapté et que son mode de relation peut générer des situations de violence ou bien de conflit. L’activité sportive et en particulier les activités avec les animaux permettent de tendre un miroir.
Et si nos dispositifs sont créés dans le but d’aider des publics fragilisés, ils demeurent, par principe, ouverts à tous. Rappelons qu’au-delà des publics nécessitant des prises en charges spécifiques, 3 millions de personnes ne partent pas en vacances chaque année. Notre travail est de faire en sorte qu’elles se sentent moins exclues.
Le deuxième axe de notre projet solidarité concerne l’intégration de tous à la pratique sportive et au vivre-ensemble
Le deuxième axe de notre projet en faveur de l’égalité des chances concerne l’intégration de tous à la pratique sportive et au vivre-ensemble. Cet axe se traduit notamment par un travail d’accompagnement au départ en séjours sportifs en lien avec des partenaires de jeunesse et caritatifs. Cela passe aussi par le développement de partenariats financiers. Pour que des enfants aient accès à des ateliers ou bien des séjours de vacances, il faut qu’ils bénéficient d’une contrainte financière allégée. Nous construisons donc des partenariats avec des structures capables de nous prêter main forte : c’est le cas de notre opération « Un bus pour un campus » réalisée en partenariat avec le CNOUS par exemple qui permet à des étudiants boursiers d’avoir accès à des courts séjours de ski pour un montant de 220 euros tout compris, du transport en car jusqu’au prêt du matériel, au forfait, à l’encadrement sportif et à l’hébergement nécessaire sur place. Ce projet peut exister grâce au soutien du Ministère des Sports et de l’Agence nationale pour les chèques vacances. De notre côté, nous avons identifié les périodes de lits vides dans nos structures afin de pouvoir se rendre disponible pour l’opération. Cela impose aussi de bien communiquer aux structures porteuses qui nous sommes en amont de la prise en charge. Mais surtout, cela permet à de nombreux groupes de jeunes de reprendre leur souffle après des examens ou bien avant la reprise d’un petit boulot et de rencontrer d’autres personnes. Plus de 1000 jeunes ont bénéficié de ce dispositif en 2018.
Pour l’UCPA, vivre ensemble n’est pas un vain mot : tous nos centres sont accessibles à tous les publics. Nous privilégions des groupes composés de petits effectifs et nos moniteurs sont capables de porter notre projet pédagogique au sein duquel la relation à l’autre, notamment, est très présente. D’autre part, l’UCPA porte un projet collectif et invite chacun à s’investir dans le déroulement de son séjour. Chacun prend part à minima aux taches quotidiennes : on apporte sa contribution en débarrassant sa table ou bien en faisant sa chambre.
Par ailleurs, nous accueillons des enfants en situation de handicap en veillant toujours à ce que leur prise en charge soit bien anticipée. Nous retardons parfois certains projets quand nous sentons que nous ne pourrions pas être à la hauteur et que plus de préparation serait nécessaire.
Le troisième axe de notre projet concerne l’accompagnement des parcours d’insertion sociale et professionnelle
Notre troisième axe consiste à accompagner les jeunes dans leur parcours d’insertion sociale et professionnelle. L’UCPA propose des formations aux métiers du sport et de l’animation et des dispositifs spécifiques pour permettre à ceux qui sont plus en difficultés d’obtenir les prérequis pour intégrer la formation de leur choix. Nous accueillons pas moins de 12.000 collaborateurs par an dont plus de la moitié ont moins de 25 ans et viennent acquérir une expérience professionnelle au sein de nos structures.
Le dernier axe de notre projet solidarité UCPA concerne le Sport Santé et la prise en charge de publics souffrant de pathologies spécifiques
Enfin, notre dernier axe de travail concerne le Sport santé et l’accueil de publics avec des pathologies spécifiques. Il peut s’agir d’enfants avec de gros problèmes de santé. Dans ce cas, nous formons des petits groupes accompagnés d’un référent médical accueillis sur des centres en inclusion avec des enfants en bonne santé.
Les familles dont les enfants présentent des troubles ou bien une maladie hésitent souvent à les laisser partir en vacances, notamment en collectivité. Les autres enfants, quant à eux, sont généralement très bienveillants. Nous n’avons jamais eu à gérer de questions d’ostracisme. Notre projet de mixité sociale permet le changement de regard sur l’autre et sa différence : ce n’est plus juste une proposition théorique. C’est une personne réelle avec un visage et des capacités concrètes avec laquelle on est invité à partager une expérience.
Mais si, pour l’UCPA, faire partir des enfants en situation de handicap ou de maladie pour des séjours est important, évidemment, il s’agit également de pérenniser leur accès aux activités sportives. Il faut que le sport prenne une part pérenne dans l’activité des structures. Il ne s’agit pas de se donner bonne conscience à certains moments mais de garantir que l’activité soit accessible sur la durée.
L’activité de solidarité est une activité d’engagement : il faut toujours convaincre
Le but de mettre en place un projet en 4 axes visait, pour nous, à le rendre plus cohérent et plus opérationnel. Il s’agissait de gagner en pertinence dans l’accompagnement des parcours des bénéficiaires et des partenaires.
Nous ne faisons pas de « social washing » : la solidarité a toujours été au coeur du projet UCPA et, en interne, nous n’avons jamais besoin de déployer beaucoup d’énergie pour convaincre. Nos dirigeants sont historiquement convaincus de la dimension sociale du sport. Je suis par exemple en lien le directeur général de l’association qui joue le jeu, nous soutient et dont la disponibilité est réelle.
Mais il ne faut jamais lâcher d’autant plus que les tensions économiques sont fortes. Le projet de l’UCPA d’accessibilité au plus grand nombre et d’engagement auprès des publics en situation de fragilité est un modèle alternatif. Pour apporter une réponse adaptée dans le champ de la solidarité, il ne s’agit pas de vendre un service mais plutôt de co-construire des dispositifs accessibles aux bénéficiaires en réponse à leurs besoins.
Chaque année, il est nécessaire de convaincre les partenaires qui nous soutiennent financièrement, penser le temps long pour mettre en place des projets durables et maintenir le cap même si l’on n’a pas toujours les moyens humains ou matériels.
C’est plus simple lorsque, comme dans mon cas, on appartient à une structure qui vous soutient depuis la base jusqu’au plus haut niveau de la boîte. Quand tout le monde y croit réellement et quand le recrutement est organisé autour de ces valeurs. Le savoir être et la qualité humaine font pour nous la différence entre deux profils aux compétences similaires. Du coup, les gens adhèrent à nos valeurs, nous ne serions pas heureux que les gens les subissent. Nous les avons aujourd’hui formalisées au travers e notre projet éducatif quand elles ne relevaient que de la transmission orale auparavant. Enfin, ce qui aide, c’est que nous sommes une association, nous n’avons donc pas d’actionnaires ou bien de devoir de rentabilité forcée.
Mais le défi est loin d’être bouclé pour l’UCPA : si nous comptons pas moins de 75.000 bénéficiaires par an concerné par l’ensemble des actions de solidarité mises en oeuvre par l’ensemble des équipes de terrain, comme je te le disais, 3 millions de personnes ne partent pas en vacances chaque année ou encore plus de 80 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme. Les besoins sociaux restent très importants même si nous tentons d’apporter quelques solutions à la hauteur des moyens dont nous disposons. Ce projet d’engagement reste passionnant.