Climat et environnement : un constat d’urgence
Le groupe IONIS organisait ce jeudi 24 janvier une « Grande Conférence » avec Delphine Batho, députée des Deux-Sèvres et présidente depuis mai 2018 de génération écologie. Dans l’amphi-théâtre de SUP’internet, l’ancienne ministre de l’écologie et du développement durable venait présenter son dernier ouvrage « Ecologie intégrale » dans lequel elle défend une écologie de changement. Delphine Batho y souligne comment l’écologie est souvent réduite par les gouvernements successifs à une écologie « homéopathique » : les problèmes environnementaux sont généralement perçus comme secondaires par rapport aux problèmes économiques et se voient par là même relégués à la périphérie si ce n’est carrément à plus tard – sous-entendu, à jamais – alors même que ces enjeux constituent les défis centraux que l’humanité devra relever tout au long du XXIème siècle. Impossible aujourd’hui de ne pas comprendre que l’extinction des espèces, l’ampleur du changement climatique ou bien encore les crises de l’eau vont redéfinir radicalement les questions d’économie, de santé, de géo-politique et peut-être à terme de survie de l’espèce.
Delphine Batho soulignait donc plusieurs points :
- L’ampleur et la diversité des combats à mener : pollution des sols, pollution de l’air, pesticides, extinction de masse, déforestation, changement climatique, inondations, substances toxiques dans l’alimentation…
- Le temps qui manque : pour illustrer ce point, Delphine Batho pointait du doigt le qui pro quo qui entoure la question de l’augmentation des températures. En effet, lorsque les scientifiques prédisent une augmentation d’1 ou 2 degrés celsius de la température mondiale, le propos est souvent compris comme : quand il fait 20 degré à Strasbourg en été, il fera maintenant 21 degré. En réalité, Strasbourg risquera de connaître des pointes de températures de près de 55 degrés soit la chaleur qui règne à Dubai, au milieu du désert, en pleine canicule.
- Le manque de préparation : nos sociétés n’arrivent non seulement pas à freiner le problème de l’augmentation des températures mais, double peine, elles ne s’y préparent pas.
- Le cynisme des gouvernements : qui, sachant que les ressources mondiales s’amenuisent, ont tendance à s’engager dans une prédation de plus en plus agressive au fur et à mesure qu’elles disparaissent et que les enjeux deviennent concurrentiels.
Comment ne plus rester assis ?Comment s’engager quand on est citoyen ?
Dans ce contexte, nos jeunes étudiants de première année se sont posés une question simple : comment agir ?
Le sentiment est partagé : comment rester impassible face à ces constats de plus en plus pressants de destruction de la planète ? Face à cette dévoration mécanique des ressources que rien ne semble pouvoir arrêter ? Que faire lorsque l’ampleur des combats à mener est telle et les sujets à traiter si divers ? Comment changer les choses lorsqu’on est simple citoyen et que les sujets semblent vous dépasser ? Lorsque l’inertie est si forte et que les combats semblent perdus d’avance ?
Delphine Batho souligne pourtant plusieurs pistes :
- Toutes les entreprises ne sont pas destructrices. Nombre d’entrepreneurs partagent des valeurs humanistes et les entreprises peuvent être des outils de changement de la société. On pensera à MyPack Connect ou bien encore à Yuka par exemple.
- Mais c’est aussi à la société civile de se mobiliser afin de pousser les changements et de faire prendre conscience à ses représentants des enjeux qu’ils sous-estiment.
Quels outils pour le changement ?
Nos étudiants de première année, en tant que designers de service, se sont donc posés la question qui concerne leur discipline au premier chef : quels outils sont disponibles pour agir concrètement ?
Si demain, ils veulent aider à changer la planète, existe-t-il des services vers lesquels se tourner et qui permettent de changer les choses ? « Pour de vrai » ?
Nos étudiants ont donc adopté une démarche rationnelle d’investigation : ils ont recensé les différents acteurs du marché et mené une expertise ergonomique des principaux sites de défense de l’environnement (Greenpeace, WWF… ) et ce à l’aide des outils professionnels appris en cours.
Un écart entre besoins utilisateurs et services disponibles en matière d’écologie ?
L’expertise ergonomique de nos premières années met en lumière une question importante : existe-t-il à l’heure actuelle un écart entre besoins des usagers et grandes marques de défense de l’environnement ?
On notera ici qu’il ne s’agit – surtout pas- de brocarder le travail des défenseurs de l’environnement qui font ce qu’ils peuvent et font déjà beaucoup. Mais bien plutôt de les aider à mieux atteindre leurs cibles et leurs engagements avec des méthodes rationnelles de design de service.
Dans ce sens, nos première années soulignent une divergence intéressante : quand les utilisateurs de leur génération arrivent avec l’intention concrète de changer les choses, l’expertise ergonomique qu’ils ont menée souligne chez les sites écologistes un « défaut de concrétude », au sens Psychologique du terme, c’est à dire une tendance à proposer des concepts abstraits peu actionnables par les utilisateurs.
Si nos premières années ont raison et si les visiteurs arrivent effectivement avec l’intention précise d’agir et d’obtenir un résultat concret, alors, force est de constater que nombre de défenseurs de l’environnement proposent en premier lieu sur leur site internet des options de communication : contenus généralistes à visée éducative, rapports d’activité de l’association, festivals de films, actions menées par les membres (par d’autres que soi) …
Nos étudiants soulignent que, comme les firmes informatiques ont longtemps été techno-centrées (des développeurs codaient des logiciels par des développeurs pour des développeurs que le grand public avait parfois du mal à s’approprier), de même, le risque pour les acteurs de l’écologie est peut-être d’être association-centrés : habitués à être des militants engagés, ils supposent, peut-être, par habitude, que l’ensemble du grand public se comportera comme eux : avec le même niveau d’engagement et la même volonté de don. Malheureusement, même avec de bonnes intentions, tout le monde n’a pas forcément le niveau d’engagement et la volonté / capacité de don d’un militant.
Faut-il dépasser la logique de don ?
Si la logique de don est évidemment cruciale pour des associations qui en vivent et pour qui la capacité d’action se fonde sur le don, la question de nos première années est tout de même pertinente : le don est-il le seul horizon des associations écologiques et, plus généralement, humanitaires ?
En effet, le don suppose deux pré-requis :
- Avoir les moyens de donner. On entend par là avoir les moyens financiers de faire un don – ce n’est pas là le problème le plus grave. Si les gens peuvent dépenser de l’argent pour une paire de basket à 200 euros, ils peuvent donner 20 euros à une association écologiste.
- Avoir envie de donner : c’est à dire se sentir suffisamment éduqué et engagé pour soutenir effectivement une cause.
Nos première années posent alors une question qui fâche (mais ce sont souvent les plus intéressantes) : si le don est le premier, parfois le seul levier d’action, proposé par les associations écologiques, il va nécessairement se heurter aux trois problèmes classiques de l’e-commerce :
- Si je donne, c’est que je suis éduqué et que j’ai compris ce que je faisais. Quand on me demande frontalement de donner, je n’ai peut-être pas encore pu intégrer pourquoi je devais le faire. Mon site ne va donc s’adresser qu’aux convaincus.
- Si on me demande frontalement de donner, je risque de moins donner. C’est le principe de la réactance en Psychologie : plus on me demande d’arrêter de fumer, plus je résiste et plus je fume.
- En me demandant de donner, quelque part, on castre l’utilisateur : donner, d’un point de vue utilisateur, c’est un peu comme une fin de non recevoir adressée à un visiteur qui venait convaincu de pouvoir faire. D’un point de vue psychologique, on lui demande de faire un effort sans pour autant avoir écouté ce qu’il était venu faire.
Nos première années en sont donc arrivés à la conclusion logique : quelles territoires possibles pour les défenseurs de l’environnement au-delà du don frontal afin de mobiliser les citoyens. A suivre donc…