Comment les Millenials définissent-ils le luxe ? Comment se l’approprient-ils ? Quelles caractéristiques leur semblent-elles engageantes ou au contraire rédhibitoires ? Loïc Crespo Moreno a cherché à répondre à ces questions dans son travail d’étude réalisé au sein de l’école de management Louvain. Son étude qualitative nous apporte plusieurs éclairages intéressants.
On vous les synthétise.
« Quand on parle de génération, on ne peut pas se borner à des dates. Une génération, c’est un ensemble d’individus qui a vécu la même chose. »
Dans son article, Loic Crespo Moreno commence par éclaircir la notion de « génération des Millenials » en la bornant temporellement : les Millenials, c’est un ensemble d’individus nés entre 1980 et 1999.
Mais pour arriver à ce parti-pris, Loïc Crespo Moreno n’a pas fait que la moyenne des différentes dates limites qu’il trouve dans sa revue de littérature. Ces dates prennent en compte à la fois des notions de période et des notions de « cohorte ». En effet, comme toute les générations, les Millenials ne sont pas qu’une question de dates. Une génération, au-delà de regrouper des individus de la même catégorie d’âge est avant tout un groupe d’individus ayant vécu des évènements importants à des âges similaires.
L’autre caractéristique, importante à souligner lorsqu’on parle des Millenials, c’est que leur comportement serait relativement transculturel : que l’on soit en Allemagne, en Belgique, en France, en Espagne ou bien en Hollande, la génération des millenials présenterait un set d’attitudes communes malgré différences géographiques, langagières et culturelles propres à chaque nation. Certaines études complémentaires à celles de Moreno poussent même le constat plus loin, au-delà de l’Europe en précisant que ces attitudes se retrouveraient plus globalement depuis la Chine jusqu’aux Etats-Unis en passant par Dubai.
Cependant, on notera que l’étude ne compare pas les réponses des Millenials à celles d’autres générations. Loic Crespo Moreno nous livre donc un état des lieux à l’instant T des attitudes de la génération Y envers les différents aspects du luxe.
Les résultats présentés correspondent à l’analyse qualitative (thématique et lexicale) d’interviews semi-directives menées auprès de 16 individus nés entre 1980 et 1999.
« Les marques de luxe ne sont pas un moyen de se créer une identité. »
- Premier point : l’étude de Loïc Crespo Moreno montre que le luxe est tout d’abord défini par les Millenials comme quelque chose de « cher » (28% des idées mentionnées), « de qualité supérieure » (20%) et « d’exclusif » (11%).
- Second point : si les Millenials sont actuellement moins de la moitié à déclarer acheter du luxe, plus de 80% affirme vouloir en acquérir dans le futur.
- Troisième point : la motivation première de consommation de luxe n’est pas la cherté ou l’exclusivité mais l’esthétique, en priorité. Viennent ensuite la qualité puis le fait de se faire plaisir en s’offrant quelque chose.
Ainsi, les Millenials sont moins de la moitié à penser que les marques de luxe sont un moyen de se créer une identité. En revanche, ils sont plus des trois quarts à penser que le produit/service de luxe est un moyen de refléter les caractéristiques personnelles des individus ainsi que ses valeurs.
Dans cette veine, 75% des répondants déclarent que c’est important pour une marque d’avoir des produits/services personnalisés. En effet, le fait qu’il soit spécial et qu’il s’accorde à l’individu sont des caractéristiques attrayantes.
« Le luxe, ce ne sont pas que des bons produits, ce sont d’abord des produits bons. »
Autre point intéressant, les Millenials déclarent être particulièrement sensibles aux causes (sociales / animales / environnementale) qui entourent les marques. Quand on demande aux individus de citer les caractéristiques importantes d’une marque, les individus pensent d’abord aux valeurs qu’elle promeut. Et encore plus celles sur lesquelles elle s’engage.
De façon connexe, les individus citent massivement l’absence de ces valeurs comme caractéristique rédhibitoire chez une marque de luxe.
Ainsi, ce qui transparaît est le fait que les Millenials veulent ingérer des produits/services qu’ils pensent bons. Que ce soit au niveau des valeurs personnelles, sociétales ou de ce qu’il est consistant pour eux de défendre auprès des proches.
« Les Millenials s’accomplissent avec une expérience plutôt qu’avec un produit. »
Le luxe est tout sauf rigide. L’excès et le plaisir prennent des formes différentes selon la société dans laquelle on grandit. Ici, ils sont moitié-moitié à déclarer qu’ils privilégieraient l’achat d’un bien à celui d’une activité. Ils y trouvent toujours dans les deux des avantages différents à court et long terme.
En revanche, ils sont presque unanimes à estimer qu’ils s’accompliraient davantage avec une expérience qu’avec un produit. Ils citent en premier lieu les souvenirs et en deuxième lieu le partage avec les proches comme idées liées à l’accomplissement par l’activité. Ce qui correspond au profil Wabi Sabi que nous avions évoqué dans nos articles antérieurs.
Concernant les pires caractéristiques des produits, les Millenials citent en troisième position les « design excessifs » que proposent parfois les marques. L’idée n’est pas d’acheter un logo ou une carte postale tel un trophée mais bien de pouvoir s’approprier l’objet/activité.
« Luxe oui mais pas pas forcement marque de luxe. Le luxe est un terme marketing. »
Les Millenials ne semblent pas être particulièrement fidèles à des marques de luxe. Ils l’expriment comme une liberté de choix. Un produit ou un service qui convient à l’individu ne semble pas être une raison suffisante pour se sentir irrémédiablement associé à la marque. Il en ressort que la marque doit parler à l’individu, outre ses produits.
De plus, les Millenials semblent entendre le terme « luxe » comme un terme marketing. Ils disent ne pas être dupes des stratégies que les marques peuvent mettre en place. Ils ont l’impression d’être les décideurs.
Leur représentation du luxe est large. En effet, certaines marques citées par les Millenials sont considérées dans le commerce comme des marques haut de gamme mais pas spécialement des marques de luxe (e.g. hugo boss, nespresso). Comme nous le disions dans un article précédent, les repères du luxe se brouillent. Surtout quand l’expérience devient première par rapport au produit. Du coup, la considération pour les nouvelles marques apparaissant sur le marché montre que nos Millenials ne se satisferont pas uniquement de ce que les acteurs majeurs du luxe leur proposent.