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Académies, 6 Recommandations Concrètes pour le numérique à l’école

Depuis deux décennies, le numérique a révolutionné la manière de fonctionner de notre société. Il est partout : dans notre économie, dans nos modes de communication, dans notre quotidien. Il touche toutes les classes sociales et tous les âges.

Mais alors que les plus anciens ont connu un avant-après, les enfants de la génération Z côtoient les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) depuis leur naissance.

Dans ce contexte, il apparaît difficile pour le système éducatif français de se refuser au progrès. L’école doit impérativement prendre en compte ces changements de paradigmes afin de rester au fait des évolutions sociales et numériques.

Le ministère de l’Éducation nationale souhaite donc continuer d’introduire le numérique à l’école, et le très récent rapport de l’institut Montaigne (« Le numérique pour réussir à l’école ») présente même la digitalisation comme LE moyen incontournable pour résoudre l’échec scolaire ou encore comme un outil qui permettra aux enseignants de mieux exercer leurs fonctions.

Mais au-delà de la question « faut-il introduire le numérique à l’école ? » dont la réponse s’impose d’elle-même aux vues de sa place dans notre société, il semble plus pertinent de s’interroger sur la façon de l’introduire à l’école et sur l’intérêt qu’il représente.

Nos Psychologues ont ainsi dégagé 6 pistes de réflexion sur lesquelles nous souhaitons attirer votre attention.

1 – Respecter le développement cognitif

Pour concevoir de outils numériques et faire évoluer les pratiques pédagogiques, il est nécessaire de connaître le développement cognitif de l’enfant.

Le numérique à l’école peut favoriser – ou du moins contribuer – au développement cognitif des enfants à condition qu’il soit utilisé de manière adaptée, spécifique et autorégulée. Une approche dynamique de la question semble donc primordiale, prenant en compte à la fois l’âge de l’enfant et son niveau d’apprentissage.

Par exemple, dans son ouvrage « Apprentissages et documents numériques » (2007), André Tricot montre que l’un des inconvénients de l’outil numérique est qu’il augmente la charge cognitive, car il met en compétition deux activités mentales : l’apprentissage et l’utilisation d’un document numérique.

Pour créer un contexte d’apprentissage optimisé, il recommande ainsi que les deux deviennent complémentaires, en faisant en sorte que l’apprentissage devienne le but et l’utilisation de l’outil numérique le moyen.

Pour ce faire l’outil doit être adapté à l’âge et au niveau (novice, avancé, expert) de l’apprenant. Ainsi le matériel et la tâche à réaliser doivent être pertinents et en adéquation avec les connaissances existantes et le développement de l’apprenant.

2 – Respecter les principes favorisant les apprentissages

Le numérique à l’école ne doit pas remettre en question ce que la science a d’ores et déjà démontré.

Par exemple, un certain nombre de principes pouvant favoriser les apprentissages ont été mis à jour scientifiquement (e.g., apprentissage actif, engagement, sens, interaction sociale AAESIS). Afin de développer de nouveaux outils pertinent et adapté, il est primordial que ces principes soient respectés.

Dans une récente étude, Hirsh-Pasek et ses collaborateurs ont dressé un bilan quant aux applications dites « éducatives » qui ont été développées à la suite de l’essor des tablettes numériques et des smartphones.

Les auteurs mettent en gardent contre certaines dérives du système, comme le non-contrôle du caractère éducatif des applications par les distributeurs (dans le cas présent Apple). Ainsi, leur objectif est double : sensibiliser les différents acteurs de ce secteur à la prise en compte des grands principes d’apprentissage à la fois dans le développement des futures applications et dans le développement de critères d’évaluation et de sélection des applications produites.

Il n’est pas possible de prédire ce qui fonctionnera le mieux, mais il est possible d’éviter bien des déboire en respectant quelques règles simples.

3 – Aller regarder ce qui se fait ailleurs, mais…

Quel que soit le sujet abordé, il est toujours intéressant d’aller regarder ce qui se fait dans d’autres pays, afin de s’en inspirer et pour éviter de faire des erreurs déjà commises. Cependant, il est nécessaire de prendre en compte le contexte politique, économique, culturel et social du pays en question, et d’autant plus lorsqu’il s’agit d’éducation.

Ainsi, lorsque le rapport Montaigne pointe du doigt le fait que le taux d’encadrement est des 18,9 élèves par enseignant en France contre 11,5 en Suède, il ne prend pas en compte les différences démographiques très importantes entre ces 2 pays ou encore la répartition géographique des populations sur leur territoire ainsi que les différences considérables au niveau des politiques familiales.

Il est possible de s’inspirer et d’apprendre des autres pays, mais il faut garder à l’esprit que les situations ne sont pas toujours comparables. C’est dans ce but qu’un certain nombre de colloques ont vu le jour afin de permettre à des chercheurs de différents pays de discuter et partager les pratiques en matière de numérique et d’éducation.

Nous pouvons citer le colloque international organisé par le CREN (Centre de Recherche en Éducation de Nantes) en 2013 offrant un regard croisé sur les pratiques Française et Québécoise en la matière.

4 – Ne pas considérer le numérique à l’école comme la solution à tous les problèmes.

Le numérique à l’école est parfois présenté comme la solution à tous les problèmes que rencontre actuellement le système éducatif français.

Par exemple, le rapport Montaigne suggère que le numérique est la solution pour lutter contre l’échec scolaire, pour faciliter le lien entre école et foyer familial ou encore un moyen pour évaluer la progression des élèves et diagnostiquer leurs difficultés.

Cependant, la place du numérique à l’école et le rôle qu’il jouera au cours du parcours scolaire de l’enfant sont à l’heure actuelle très incertains. Le considérer comme LA solution nuirait à son intégration dans le système éducatif et aux pratiques des enseignants et des élèves.

 5 – Inclure les enseignants dans le processus grâce à la formation

L’arrivée du numérique à l’école est généralement vécu comme un bouleversement pour les enseignants. De nombreux facteurs sont en jeu (utilisation personnelle hors école, estime de soi, âge, etc.) dans l’appropriation et le regard que portent les enseignants sur les TICE. Il paraît donc nécessaire qu’ils jouent un rôle actif à la fois dans la mise en place des outils numériques, mais également dans leur utilisation.

C’est ainsi que des expérimentations ont vu le jour ayant pour but de développer de nouvelles pratiques pédagogiques en utilisant les TICE comme celles de type Design Thinking dont la méthodologie est basée sur un processus de co-créativité impliquant des retours de l’utilisateur final. Les résultats sont très encourageants car ils permettent, à travers le numérique, de favoriser le travail en groupe, l’expression et la métacognition des élèves, où l’enseignant joue un rôle clé dans ce dispositif.

Cette reconfiguration donnerait une place aux enseignants dans la conception de nouveaux outils adaptés à la fois à leur pratique et aux apprenants. La question des effets du numérique sur la pratique des enseignants demande avant tout de se questionner sur leur formation.

Comme il est préconisé dans le rapport de l’institut Montaigne, la formation des enseignants doit mettre l’accent sur l’ingénierie pédagogique, la psychologie cognitive et les sensibiliser à la recherche-action.

6 – Communiquer intelligemment autour du numérique

Comme toute nouveauté, l’essor du numérique à l’école se compose d’un versant communication dans les médias.

Ces derniers jouent ici un rôle important puisqu’ils servent de relais entre les institutions et le public (notamment les parents). Mais rares sont ceux qui proposent une information objective. Ceci a comme conséquence soit de provoquer des réticences, soit de « faire croire » en quelque chose de magique, inoffensif pour développement de l’enfant.

Il serait judicieux que les médias appuient leur propos sur des faits expérimentaux et invitent les récepteurs à élaborer un avis argumenté. C’est grâce à une bonne communication que les acteurs s’impliqueront et s’engageront sur la question.

Conclusion : 

Il est indispensable de garder en tête que le numérique à l’école doit être considéré comme un outil pour l’élève et l’enseignant, il ne modifie pas la structure des savoirs ni le rapport aux apprentissages. Il est une autre façon d’acquérir du savoir et il doit être articulé avec les autres outils (A. Tricot, Apprentissages et documents numériques, 2007)

Le numérique doit être introduit à l’école dans le cadre d’un projet pédagogique justifiant son utilisation et précisant de quelle manière l’enseignant accompagne l’élève dans cette utilisation. Mais aussi inclure les parents dans cet accompagnement.

L’avis de l’Académie des Sciences rédigé par Bach et ses collaborateurs (L’enfant et l’écran, 2013) recommande le « métissage » entre la culture traditionnelle du livre et la plus récente culture des écrans, en protégeant une partie du fonctionnement classique lorsque celui est profitable au développement cognitif des apprenants mais aussi l’adaptation de la pédagogie au développement de l’enfant ainsi que l’apprentissage de l’autorégulation.

Travail de réflexion sur la façon dont les médias traitent de la question de l’entrée du numérique à l’école élémentaire. Article réalisé dans le cadre du cours consacré à « L’influence de la communication dans les médias » proposé par Nathalie BLANC (professeur de Psychologie); Master Evaluation du fonctionnement cognitif et des comportements

Frédéric est ingénieur spécialisé en innovation, de formation. Frédéric est également psychologue de l’évaluation du fonctionnement cognitif et des comportements. De nature curieux, créatif et passionné, son thème de prédilection est sans conteste l’adaptation, et plus particulièrement l’amélioration des interactions entre l’individu et son environnement.Maëlle est psychologue de l’évaluation du fonctionnement cognitif et des comportements également diplômée en sciences de l’éducation. S’intéressant particulièrement au développement des compétences métacognitives et métaémotionnelles des enfants, le thème de l’éducation et des apprentissages est au centre de sa réflexion.