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Officine Générale : une stratégie de qualité du produit et de relation client

Officine Générale Article Stratégie Pierre Mahéo Fast & Fresh

Officine Générale Article Stratégie Pierre Mahéo Fast & Fresh

Olivier : Bonjour Aurélie, tu as été pendant 10 ans la directrice wholesale de la marque APC. Tu viens de rejoindre Officine Générale il y a 7 mois afin d’y superviser le retail, le wholesale et l’e-commerce. Officine Générale dispose en effet de 6 boutiques en propre à Paris et à Londres mais la marque s’appuie également sur un site e-commerce et sur un grand nombre de revendeurs multimarques depart le monde. Vu que tu encadres les 3 activités, est-ce que tu voudrais bien nous faire découvrir qui vous êtes mais aussi quels sont les enjeux pour une marque aujourd’hui.

« Notre stratégie, c’est avant tout de faire des produits de qualité à un prix juste »

Aurélie : Officine Générale est une marque française. Elle a été créée par Pierre Mahéo il y a 7 ans, en 2012. Nous sommes principalement établis en Europe et aux Etats-Unis où Pierre s’est beaucoup investi pour faire connaître la marque. Officine Générale a connu une croissance très rapide : nous sommes maintenant distribués par près de 150 revendeurs depart le monde. Et notre stratégie a toujours été la même :

Pierre Mahéo, le fondateur d’Officine Générale. Crédit Photo : GQ

Olivier : tu parles d’un style simple, sobre et intemporel. Tu veux bien m’expliquer ?

Aurélie : Officine Générale a été en premier lieu une marque homme. Pierre avait en effet une très bonne connaissance du Tayloring (les ensembles vestes plus pantalons) et c’est par là qu’il a débuté. Ces coupes sobres et chic étaient également demandées par les femmes de nos clients, Pierre a donc décidé de lancer une ligne qui leur soit dédiée, celle-ci fonctionne très bien, nous en sommes déjà à la 3ème collection. Le souhait de Pierre est de créer des vêtements de tous les jours : des vêtements de qualité dans lesquels on se sent bien, pour la vraie vie. Des vêtements qu’on a envie de garder et dont on ne se lasse pas parce qu’ils ne se galvaudent pas dans une mode ou des excès passagers.

Le luxe : « jamais une ostentation, toujours un art de vivre »

Olivier : Chanel disait du luxe : « jamais une ostentation, toujours un art de vivre ». Vous vous reconnaissez dans cette définition ?

Aurélie : Oui et c’est d’autant plus facile aujourd’hui que les clivages se sont atténués. Les uniformes tombent : plus besoin de porter une tenue pour le travail d’un coté puis une pour sortir ou pour la vie de tous les jours de l’autre. Les choses s’hybrident, les codes sont moins marqués : on peut très bien porter une veste de costume le week-end avec un t-shirt ou bien un ensemble plus décontracté au travail. Et dépareiller est devenu possible.

« Nos vêtements sont ambigus, ils permettent aux gens de jouer et de s’exprimer »

Olivier : tu me disais que vos vêtements touchent des publics très différents ?

Aurélie : Le choix de départ, quand Pierre a démarré Officine Générale, était de ne pas s’adresser à un public précis, il ne fallait surtout pas à ses yeux restreindre l’audience. Quand on ne construit pas une marque sur un logo mais avec l’objectif d’offrir un produit qualitatif on ne se limite pas à une génération ou à un style, on touche un public plus large intéressé par les matières, les coupes et l’éthique installée. C’est un choix revendiqué, certainement plus long et plus risqué à son lancement, mais définitivement plus pérenne une fois la marque installée.

Défilé Officine Générale Hiver 2019 – 2020

Olivier : tu me disais à quel point Pierre Mahéo croyait à la qualité ?

Aurélie : Nous sourçons nos tissus exclusivement au Japon, en Italie et en Angleterre avec des fabricants qui ont une histoire, une technique, un savoir faire. La maille est tricotée en Ecosse , quasiment tous nos tissus proviennent d’Italie ou du Japon et nous produisons exclusivement en Europe. L’écologie et l’éthique nous tiennent à coeur : Pierre a décidé de ne plus importer de Denim Japonais, non pas pour la faiblesse de sa qualité, qui est incomparable mais parce que la toile est si lourde que son transport pose des questions d’écologie. La démarche est réfléchie, voulue, dans ces domaines là, surtout dans la Mode qui est une industrie très polluante, chacun a un rôle à jouer.

Olivier : en termes de stratégie commerciale, quels sont les défis, aujourd’hui d’un groupe de mode ? Par exemple, faut-il privilégier l’e-commerce ?

« Pour une marque comme la notre, privilégier uniquement le retail est une erreur stratégique »

Aurélie : mon crédo, déjà chez A.P.C., a toujours été d’avoir une stratégie équilibrée. Certains vous disent qu’il vaut mieux pousser le retail : en effet, avoir des boutiques en propre permet de mieux maîtriser ses canaux de vente et de réduire les marges des intermédiaires. Mais en réalité, les revendeurs sont très importants : quand on les choisit bien, ils sont souvent très matures, augmentent la visibilité et la notoriété de la marque et puis surtout, ils permettent de prendre très rapidement pied sur des secteurs géographiques compliqués et que l’on connaît mal au départ.

Olivier : quels sont les enjeux à venir pour la mode ?

Aurélie : le marché de la mode change très rapidement et généralement de façon radicale. Mais on ne peut pas considérer le marché de la mode avec un angle essentialiste : il n’y a pas qu’un marché de la mode, il n’est pas monolithique, il est très différent d’un pays à l’autre par exemple. En Europe, on a l’impression que le vêtement est devenu un peu secondaire : les gens préfèrent placer leur budget dans les loisirs, leur intérieurs et la beauté. Et quand ils achètent des vêtements, c’est un peu dans la même perspective : plus pour le plaisir que pour se montrer. Dans certains pays asiatiques, à l’inverse, j’ai l’impression que le vêtement est toujours un signe de statut social, de réussite et d’appartenance à un groupe. Du coup, les consommateurs ont tendance à beaucoup dépenser, et à dépenser dans des choses qui se voient. Mais ces pays sont aussi entrain d’évaluer, ils commencent à être plus regardants sur la qualité quand le produit a un certain coût. Les enjeux sont donc d’être à l’écoute des différents marchés, anticiper les évolutions et faire preuve d’adaptabilité.

Olivier : tu en déduis quoi en termes de tendances ?

« La tendance éthique et écologique pousse de nouveaux modèles économiques »

Aurélie : on observe une tendance très claire à l’éthique. A l’heure où les ouvriers de la fast fashion cousent des SOS dans les vêtements pour se faire libérer des ateliers où ils sont tenus prisonniers ou mal traités, la mode doit changer. On ne peut plus continuer sur cette ligne. Non seulement les clients deviennent de plus en plus conscients en matière de consommation mais, nous aussi, dans les maisons de mode, nous ne souhaitons plus fermer les yeux. Comme je te le disais plus haut, Pierre a toujours été très sensible à ces sujets et il les traite avec conviction. L’autre chose, c’est que, ces questions éthiques et environnementales font émerger de nouveaux modèles économiques : cela a poussé sur le devant de la scène des sociétés comme « Rent the Runway« , par exemple, qui proposent de louer ses vêtements plutôt que de les acheter. Qui a encore envie de dépenser des sommes extravagantes pour une tenue qu’on ne portera qu’une fois ? Les gens reviennent à une consommation raisonnée, acheter moins mais mieux. Y compris les marchés asiatiques y viendront.

Les ouvrières du textile en grève en Inde. Crédit photo : France info

Olivier : c’est quoi le luxe pour toi ?

Aurélie : de la qualité, d’abord. De la rareté ensuite. Mais surtout de l’artisanat, du vrai, et de la création.

« L’IA, c’est très bien mais parler avec ses directeurs de boutiques, est souvent plus intéressant »

Olivier : à la lueur de cette définition, d’ailleurs, on pourra se demander si luxe est compatible avec la notion de grand groupe. Dernière question peut-être : les nouvelles technologies.

Aurélie : on voit des choses émerger, l’IA par exemple, mais cela reste très éloigné des préoccupations quotidiennes de sociétés de notre taille. L’IA, c’est très intéressant pour des grands groupes qui ont besoin de retrouver une relation de proximité personnalisée avec leurs clients. Mais nous préférons le contact direct et humain : nos voulons parler avec nos clients et d’ailleurs, même stratégiquement, le fait que nos directeurs de boutique remontent de l’information directe est souvent bien plus efficace que d’avoir pléthore de données informatiques qu’au final on ne sait pas toujours faire parler.

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