Dans cet article, Khaled Al Kuntar, spécialiste des marchés luxe et grand prestige pour Fast & Fresh nous explique comment la segmentation du luxe est en train de changer avec l’arrivée des Millenials.
Olivier : bonjour Khaled, tu as écrit 2 précédents articles sur la définition du luxe et sur le marché des voyages de luxe où tu évoquais combien la segmentation du marché du luxe évoluait avec l’arrivée des Millenials.
Ces évolutions de segmentations du marché du luxe avec l’entrée en scène des Millenials est un des sujets que nous traitons régulièrement à l’agence, tu peux éclairer un peu plus nos lecteurs ?
« Les segmentations du luxe sont souvent simplistes »
Khaled : le problème, c’est que les segmentations luxe sont en fait assez complexes et que les gens vivent parfois sur des clichés. Beaucoup de gens ont encore dans la tête des segmentations manichéennes et essentialistes du type « nouveaux riches » vs « vieilles fortunes ». Je ne suis pas sûr que ces divisions soient d’une grande aide pour comprendre les rapports des millenials aux luxe aujourd’hui.
La première chose à comprendre, c’est que les BRIC ont complètement changé la donne. Les premiers pays producteurs de millonnaires et de milliardaires ne se situent plus en Europe aujourd’hui. S’il existe évidemment dans le monde occidental un grand nombre de vieilles fortunes, ce n’est malheureusement plus eux qui font l’essentiel de la consommation.
« Segmentation du luxe : l’exemple du cliché chinois »
Khaled : Brun (2013), Reyneke (2015) ou encore Ngai (2015) nous rappellent à quel point les segmentations et les clichés traditionnels, par exemple sur le marché Chinois ne tiennent plus. Et nos études terrain montrent la même chose.
Qu’est-ce que cela signifie aujourd’hui de parler du consommateur chinois comme d’une madame Michu quand le marché chinois fait plus d’un milliard de personnes ? Nous disions dans l’article précédent combien le luxe pouvait être important en Chine. Et pas seulement pour exprimer une réussite sociale mais aussi pour se débarrasser du cliché du made in China bas de gamme et de la culture chinoise exotique fantasmée par l’occident.
Qu’est-ce que cela signifie aujourd’hui de parler du consommateur chinois quand la génération d’avant 78 et celle d’après 90 ont grandi dans des mondes si différents en termes de consommation que les repères ne sont pas seulement différents mais impossibles à raccorder ? Il n’y avait pas forcément de marques dans les années 70, juste les produits d’état.
Qu’est-ce que cela signifie aujourd’hui de parler du consommateur chinois quand la génération de petits empereurs nés après les années 90 est habituée au luxe le plus extravagant alors que celle d’avant 78 pouvait connaître les rationnements ?
« Une nouvelle segmentation du luxe organisée autour de 4 segments clefs »
Khaled : aujourd’hui, pour comprendre la nouvelle segmentation luxe, il faut comprendre l’arrivée de 4 segments clefs :
- Les ados luxe : ce sont des ados, avec tout ce qu’on peut imaginer d’adolescent dans leur comportement. Et comme tous les ados, ils dépensent l’argent de leurs parents 🙂 A ceci près que les parents sont millionnaires dans notre cas
- Les internationaux : ce sont des étudiants cosmopolites et érudits qui font souvent leurs classes à l’étranger et qui sont fiers de leur culture maternelle et dont ils cherchent à redorer le blason parfois « terni » par l’appellation de « pays émergent »
- Les luxe addicts : ils n’ont pas toujours les moyens du luxe mais c’est pour eux un but à atteindre, un idéal de vie. Ils en sont souvent les premiers prescripteurs sur les réseaux sociaux
- Les wabi sabi : dont nous avons déjà parlé précédemment et pour qui l’expérience luxe compte plus que le prix