L’innovation et l’innovation par l’UX : les armes des entreprises pour rester en lice sur un marché toujours plus concurrentiel
L’innovation et, ces dernières années, l’innovation par l’ux sont des questions cruciales pour les entreprises qui veulent rester en tête du marché et des services rendus aux utilisateurs. En effet, avec l’abondance de services disponibles, les usagers tendent à zapper de plus en plus rapidement d’un produit à un autre et d’une marque à l’autre. Gageure pour les marques donc d’arriver à rester en lice.
L’autre chose, c’est que, pour bien comprendre un sujet, il est parfois intéressant de faire le détour par un autre. Pour paraphraser Marx sortons un moment du concept de l’innovation et de l’innovation par l’ux, qui sont les armes des entreprises pour rester en tête de course et allons voir du coté de l’inventivité.
Coté invention et inventivité, la Grèce antique est un phare.
Comprenez bien mon propos : toutes les civilisations font montre d’une grande ingéniosité et mon idée n’est certainement pas de placer une culture au-dessus des autres. Cela ne ferait aucun sens ni historiquement, ni sociologiquement, ni du point de vue d’aucune science.
Je me borne ici simplement à constater que pendant des laps de temps parfois plus ou moins longs, certaines civilisations semblent tout à coup s’illuminer : elles entrent en ébullition et se mettent alors à briller d’une lueur qui déborde sur l’ensemble du monde.
L’inventivité grecque : une inventivité maline, caustique et foisonnante
Lorsque l’on observe les grecs, c’est la période classique qui est la plus fascinante, c’est à dire la période qui s’étire grosso modo de la bataille des Thermopyles en -480 jusqu’à la mort d’Aristote aux alentours de -320.
Vous n’êtes pas convaincus, citons quelques noms au hasard : Socrate, Platon, Péricles, Sophocle, Démocrite, Anaxagore, Hérodote, Parménide, Aristophane, Phidias, Euripide, Hippocrate, Alexandre, Aristote, Pythagore, Euclide… N’en jetez plus.
Vous n’y croyez toujours pas ? Vous pensez qu’il s’agit uniquement là du tropisme très européen d’une élite nourrie durant des siècles par la pensée grecque ? Allons… intéressez-vous donc au palimpseste d’Archimède.
Archimède, ce petit ingénieur grec sans importance de Syracuse qui nous invente en pleine antiquité une branche des mathématiques qui, oubliée, ne sera redécouverte qu’au XVIIème siècle par Cavalieri puis par Newton et Leibniz au siècle suivant et que les ingénieurs et les physiciens utilisent aujourd’hui tous les jours dans des domaines aussi variés que la musique l’électronique, la pression des barrages, les surfaces des ponts et les objets envoyés dans l’espace.
Et puis, considérer que la Grèce est européenne est une vision tellement fausse et tellement reconstruite à postériori : pour les grecs comme pour les romains d’ailleurs, l’Europe n’existe pas. Les grecs sont tournés vers l’orient dont ils viennent et dont ils ont transformé l’alphabet et les romains sont tellement préoccupés de faire de la Méditerranée leur « lac privé », leur mare nostrum, qu’ils n’ont pas le temps de s’imaginer européens : le concept n’existe pas.
Par ailleurs, on notera qu’être grec, tout au long du moyen-âge, se dit « être Byzantin » ce qui signifie tout aussi bien venir de Byzance (aujourd’hui Istamboul qui est alors une cité grecque) qu’être trop intelligent et trop rusé pour être digne de confiance. L’ancien monde ne s’y trompait pas.
Et si vous n’y croyez toujours pas, posez donc la question à Auguste Octave, premier empereur de Rome et héritier de Caesar, qui s’est fait couler toute sa flotte de gigantesques galères par des poignées de pirates grecs malins et aux petites embarcations flexibles. Le grec est un pirate et c’est tant mieux.
L’innovation par l’UX doit se nourrir de risque
Mais quel rapport me direz-vous entre ce petit rappel historique du lustre grec et l’innovation par l’UX ?
Et bien, c’est que les grecs avaient un angle très particulier sur l’inventivité dont l’innovation par l’UX manque parfois terriblement de nous jours : la prise de risques.
En effet, les contraintes qui amènent une civilisation à briller peuvent être nombreuses : conditions climatiques, conditions économiques, conditions politiques, conditions géophysiques, apparition d’une nouvelle technologie, nouveau mode de propagation des idées, montée du niveau de l’éducation, guerres, rencontre et brassage avec d’autres peuples… Les historiens, les géographes et les sociologues retraceront bien mieux que moi et de façon bien plus exhaustive ce qui a pu susciter les coups de génie grecs.
Mais j’aimerai ici m’intéresser à une chose bien précise : les mythes fondateurs des grecs qui expliquent bien leur conception de l’inventivité.
Les mythes, ce sont ces histoires qu’on se donner à l’origine et qui structurent une civilisation dès son départ. Le creuset dans lequel les civilisations sont formées. L’histoire qu’on se raconte sur d’où l’on vient et sur ce que l’on est. Cette histoire que l’on répète aux jeunes de chaque génération pour en faire des citoyens, pour les couler dans le moule.
Chez les grecs, les mythes fondateurs sont nombreux et riches, au point qu’on s’y perd parfois, mais ils ont tous quelque chose en commun : le risque. Relisez donc les métamorphoses, qui n’est au fond qu’une relecture du monde grec par les romains, si vous souhaitez vous en convaincre.
Le mythe fondateur grec : renverser la table
Pour vous aider à comprendre le fil que je tisse, je vous conseillerai la (re)-lecture de l’Odyssée. Homère rédige l’histoire d’Ulysse, roi d’Ithaqué, près de 300 ans avant l’époque classique, vers -800, cristallisant ainsi une tradition orale qui devait pré-exister et dont les spécialistes disent qu’elle fait le lien entre l’époque archaïque et l’époque classique.
Tentons brièvement d’éclairer le mythe du point de vue de l’innovation.
Ce que vous croyez : Ulysse est un queutard errant, Pénolope une potiche qui tricote, Poséidon un emmerdeur et Athéna la trop bonne pote.
Ce que le mythe raconte réellement : Pénélope est l’allégorie de la Grèce et la Grèce, grande dame, ne se mariera jamais, au grand jamais avec les blaireaux friqués restés au pays et embourbés dans leur bêtise crasse et leur avidité malsaine.
La Grèce, quand il faudra se marier choisira toujours comme époux mais aussi comme fils, des aventuriers (à tous les sens du terme) qui, parce qu’ils ont vu du pays, se sont ouverts l’esprit et l’ont bien affuté. C’est pour cela qu’ils honorent Athéna et qu’ils obtiennent son aide face à Poseidon, mouvant et colérique qui les égare mais qui est probablement la meilleure chose qui leur soit arrivée. Pas de problèmes, pas d’aventure. Pas d’aventure, pas d’intelligence.
Le mythe fondateur de la Grèce, c’est le marin, c’est le départ, c’est le nomadisme, c’est le risque, c’est l’égarement, c’est la crainte de ne pas rentrer. Et les gens malhonnêtes, ce sont les avides et ceux qui ne pensent pas et qu’on finit par étrangler ensemble autour d’un poteau (les prétendants).
Et c’est peut-être cela que l’innovation par l’UX doit retenir : si Ulysse revient au pays, c’est pour y renverser la table, littéralement, c’est à dire les habitudes installées et les rapports de pouvoir existants. Et c’est peut être cela l’innovation, qu’en pensez-vous ? Se couper des habitudes mortifères.
Bref, on est très loin de la vision productiviste et bourgeoise dans laquelle l’UX végète aujourd’hui : le seul risque de nos sociétés, c’est de choisir un programme ennuyeux sur Netflix.