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Critères pour choisir une bonne agence d'ux

Comment choisir une bonne agence d’UX ?

Voilà une question récurrente : qu’est-ce qu’une bonne agence d’UX ? Quelles sont les meilleures ? Comment les repérer ? Sur quels critères les trier ?

Depuis mes étudiants e UX qui recherchent un stage dans lequel s’épanouir jusqu’aux clients qui ont besoin d’accompagnement, le choix est difficile. Le marché devient commoditaire, il est de plus en plus saturé de prestataires dont on ne sait pas toujours ce qu’ils font ni même d’où ils viennent.

Voici quelques critères de survie pour naviguer en gardant les pieds au sec :

1 – Premier critère de réussite d’un projet : la culture d’entreprise du client et celle de l’agence : 

Certaines personnes, certains groupes ne sont pas faits pour l’innovation. L’innovation, c’est prendre un risque dans le vide. C’est tenir la corde de la méthode sans toujours savoir où cela va mener. C’est aussi laisser émerger les phénomènes.

Certaines personnalités fuient ce risque comme la peste et certains groupes sont faits pour la standardisation hiérarchisée et ne pourront jamais le prendre. Il vaut parfois mieux des sociétés moins célèbres et moins clinquantes mais avec qui les circuits de décision sont courts et avec qui on peut avancer.

2 – Second critère : la méthode. Comme le disait Talleyrand, « les méthodes sont les maîtres de nos maîtres ». Sans méthode, on ne va pas jamais bien loin. Pour savoir si un agence d’UX fait du bon travail, il suffit donc souvent d’éprouver ses méthodes :

Première question : l’agence d’UX fait-elle de l’expérience utilisateur sans jamais voir -en vrai- des utilisateurs ?
  • Certaines agences font de l’UX en se basant uniquement sur des études de marché, de com ou pire sur des guides de style et des « Bonnes pratiques ». Qu’est-ce que ça peut bien donner ? C’est la question que je vous pose.
  • Admettons que vous soyez un chef de projet homme et qu’on vous demande de faire service pour des femmes enceintes sans jamais avoir parlé à de futures mamans, juste en vous basant sur une étude de marché qui dit qu’elles en ont besoin, je dois avouer que j’ai un peu peur du résultat.
  • On rappèlera en effet qu’une étude de marché n’est pas une étude d’usage : là où l’étude de marché donne des chiffres, des segments et de l’opinion, l’étude d’usage décrit l’interaction pratique et quotidienne. Ce n’est pas tout à fait la même chose.
Seconde question : les gens qui mènent vos études utilisateurs sont-ils formés pour ? Parce qu’après tout, s’ils ne sont pas formés pour, ça veut dire que vous les payez rubis sur l’ongle pour vous aider à construire votre stratégie, vos services et vos interfaces alors qu’ils vous racontent des cracks.
  • Or, force est de constater que nombre d’agences d’ergonomie et d’UX sont souvent tenues par des gens sans formation aucune en Sciences Humaines. Ce qui a inévitablement un certain nombre de conséquences. La première, c’est que les directeurs de ces agences engagent des bataillons d’UI juniors (c’est à dire des graphistes) qu’ils vous vendent en fait comme des UX. Or, l’UX, lui, est censé faire de la Recherche Utilisateur, de la Stratégie Utilisateur et du Design de Services… pas du graphisme. D’autres directeurs d’agence, sentant bien que les UI ne suffisent pas sur la plupart des projets -parce qu’ils ne peuvent pas spécifier des scénarios d’usage crédibles- emploient alors des techniciens d’enquête formés à la va-vite à faire passer des tests déclaratifs et pleins de biais (comme les focus groups) durant lesquels les utilisateurs vous disent blanc alors qu’ils feront en réalité noir sur le terrain. Ces techniciens, gracieusement estampillés « Ethnologues » -ce qui est une usurpation de titre protégé- vont sans sourciller vous ramener des résultats sans avoir le début d’une méthode crédible d’étude terrain. Pour cause, ils n’ont pas fait les 5 ans d’études requis.
  • En effet, une étude terrain, c’est un peu plus que juste aller sur le terrain… Pour étudier le comportement des utilisateurs, on n’a pas inventé  mieux que les Psychologues et les Sociologues. Nous avons plus de 100 ans d’expérience là dessus avec des méthodes, des modèles, des capacités d’expérimentation, toutes ces choses qui nous permettent de vérifier scientifiquement qu’on ne raconte pas n’importe quoi. Privilégiez une agence d’UX avec de vraies compétences en Sciences Humaines.
Troisième question : la question du protocole expérimental. Et c’est peut-être la question la plus importante de toutes celles que nous nous sommes posées. Quand on fait un peu attention aux investigations menées aujourd’hui par la majorité des agences d’UX et d’étude, on se rend compte qu’elles font de la Psychologie comme on en faisait au milieu du XIXème siècle.
  • Elles font ce qu’on appelait alors de l’introspection. En clair : elles demandent aux gens ce qu’ils pensent et ce qui est le mieux pour eux. Ce qui suppose que les gens ont accès à leurs mécanismes cérébraux et qu’ils sont capable d’expliquer en détail leur comportement et les raisons de leurs choix. Or, nous savons depuis très longtemps en Psychologie que les choses ne sont pas aussi simples. Ce n’est pas parce que vous pensez que vous savez comment vous pensez. Par exemple, quand vous faites « 2+2=4 », vous entendez la petite voix dans votre tête faire l’opération de calcul mental mais vous n’avez aucune idée de comment l’opération est effectuée concrètement dans le cerveau. Et vous ne savez pas non plus ce qui génère la petite voix dans votre tête. Vous avez accès aux résultats des opérations (la petite voix qui chante 2+2=4) mais vous n’avez pas accès aux processus qui l’ont générée. Or ces processus automatiques sont souvent extrêmement prégnants.
  • Certaines de nos expériences au Laboratoire montrent par exemple comment un nom de produit de valence négative peut complètement faire oublier une marque aux utilisateurs. De même, les utilisateurs ne sont pas capables de dire ce qui les fait apprendre mieux. Ils ont un opinion mais la réalité est parfois très surprenante et très éloignée de ce qu’ils croient savoir. Ce qui veut dire, en clair, que les agences relèvent des opinions fausses auprès des utilisateurs et que ce que vous achetez n’est pas bien crédible. Une agence d’UX qui ne fait pas de Sciences Humaines aura beaucoup de difficultés à aller au-delà de la surface des choses.
Quatrième question : le problème des modèles. Reprenons ici ce que nous avions dit dans notre article sur la Lean UX : sans modèle théorique sur lequel s’adosser, impossible d’interpréter les données des études terrain, impossible de modéliser le comportement des utilisateurs et impossible de prédire les évolutions futures.
  • Par analogie, on ne penserait pas de nos jours construire un pont suspendu dernier cri sans s’adosser aux forces Newtoniennes et aux connaissances sur les oscillateurs et la mécanique des fluides. En effet, sans s’appuyer sur ces modèles, impossible d’imaginer une structure de pont fiable et impossible de savoir à quel point cette structure pourra résister aux charges et aux tempêtes.
  • Et bien il en va de même pour les consommateurs. Si l’agence d’UX vous liste des problèmes sans les interpréter dans un ensemble plus vaste et sans cadre théorique, franchement, je ne sais pas où on vous emmène. 
Cinquième point : c’est l’éthique évidemment
  • Utiliser la Psychologie et la Sociologie pour améliorer la coopération entre marques et consommateurs est évidemment une idée noble. Mais ces outils ne peuvent pas être laissés entre les mains de tous. Il faut d’autant plus que des Psychologues et des Sociologues s’en chargent parce qu’ils sont naturellement les dépositaires d’une connaissance riche et humaniste de la Psyché Humaine et leur métier leur impose une éthique.
  • Laisser des neuromarkéteurs faire des tours de magie avec des astuces éculées, c’est laisser penser aux marques qu’il est de bon ton de tordre le bras des consommateurs pour arriver à leurs fins. C’est évidemment inacceptable, ça se retournera contre les neuro-markéteurs, c’est déjà le cas et surtout c’est proposer un vision bien pauvre des choses. Dans toutes les compagnies où je travaille, il y a des vrais gens, souvent gentils, qui font de leur mieux et qui quand on leur explique le pourquoi du comment sortent des clichés qu’ils ont sur les consommateurs pour leur venir en aide et pour créer des ponts. Voilà qui pourra nous paraître à tous plus durable. Après tout, nous sommes tous des consommateurs, donc les premières victimes des systèmes abusifs que nous pourrions mettre en place. Une bonne agence d’UX doit apprendre à ses clients à respecter les utilisateurs.

Olivier est le directeur de l'agence de Recherche Utilisateur & Stratégie Utilisateur Fast & Fresh. Spécialiste en comportement consommateur, il travaille avec le laboratoire de Psychologie de Montpellier 3 pour aider les marques à comprendre leurs utilisateurs et à construire de vraies relations de marques et d'entre-aide. Pas de neuromarketing chez Fast & Fresh, nous ne pensons pas que brutaliser vos utilisateurs pour vendre des produits soit la bonne solution.