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Devenir user researcher quelles formations

Devenir user researcher : évitez les pièges des mauvaises formations

Nombre de jeunes étudiants souhaitent devenir user researcher. Mais quelle formation choisir ?

Et bien, pas les formations d’ux. Le propos est audacieux mais il mérite d’être tenu. Il en va de la déontologie de la profession. Cela fait des années, trop d’années peut-être, qu’une omerta pèse sur les formations à la user research autant que sur les méthodes de recherche des agences de conseil : personne n’ose rien dire, ou seulement à bas bruit, par peur de casser le marché ou de se faire donner le bâton mais pour les jeunes étudiants qui souhaitent devenir user researchers, il est impératif de savoir faire le tri entre bonnes et mauvaises méthodes, entre bons et mauvais pratiques et entre bonnes et mauvaises formations. Surtout à une heure où les cursus pour devenir user researchers explosent littéralement. Souvent sans véritable contrôle.

Or, comme nous le mentionnions déjà dans l’article avec Benoît Drouillat sur le devenir de l’UX design, tout ne se vaut pas. Si le marché naissant de la user research entretient la confusion par méconnaissance, par praticité ou pour des intérêts économiques, ils nous appartient à nous, chercheurs, scientifiques, psychologues, sociologues, qui avons tenté de reprendre avec droiture le flambeau de nos ainés dans ces disciplines et qui avons assisté et participé à la naissance de la user research de jouer le rôle de surmoi et de régulateur en essayant d’aider nos cadets à distinguer le vrai du faux.

Afin de mieux les prémunir des pièges et des contrefaçons qui leurs sont proposés lorsqu’ils souhaitent devenir user researcher.

Benoît Drouillat de Designers interactifs avec qui nous avons publié un article sur le devenir de la user research et de l'ux
Benoît Drouillat de Designers interactifs avec qui nous avons publié un article sur le devenir de la user research et de l’ux

Premier problème à comprendre quand on souhaite devenir user researcher : la déshérence des méthodes présentes sur le marché

Cela fait 20 ans que je suis Psychologue et cela fait 20 ans que je travaille avec toutes sorte d’agences censées faire des enquêtes et de la recherche : agences de conseil, agences d’UX, agences de User Research, agences de publicité, agences digitales 360… que ce soit en en tant qu’employé, en tant que freelance ou bien en tant que directeur de l’agence Fast & Fresh.

Depuis deux décennies, le scénario que j’observe est malheureusement toujours le même et n’a, au final, pas beaucoup évolué : on fait payer très cher aux sociétés qui ont besoin de comprendre leurs consommateurs des études d’écoute client qui s’effilocheront aussi rapidement que de faux sacs Gucci achetés à la sauvette. Laissant de facto les décideurs avec, entre les mains, du vide stratégique et de fausses données marché qui aiguilleront leurs décisions dans des impasses.

Et je crois que la chose, la pire, qui nous hérisse le poil, en tant que scientifiques, c’est de voir affiché très souvent au fronton de l’ensemble de ces prestataires la mention : « Nos sociologues mènent des enquêtes psychologiques et ethnographiques ».

NON. Dans la plupart des cas que nous constatons sur le marché, il n’y a en réalité aucun Psychologue, aucun Sociologue et encore moins d’Ethnologue dans les structures qui se parent de ce laurier.

Alors pourquoi est-ce que cela continue ? Parce que nous sommes sur un marché où il n’y a pas mort d’hommes : on n’a jamais vu un site internet tuer qui que ce soit. On ne fait pas des avions et des voitures après tout.

Si un prestataire donne de mauvais conseils à son client et si le site internet ou bien l’application qu’il lui vend est mal fait, il y aura une perte d’activité et moins de service aux usagers. Mais comment un client, qui n’est pas Psychologue, pourrait-il aller contre-dire une mauvaise agence de conseil sur la véracité des comportements utilisateurs ? C’est chose mal-aisée. Le client est démuni.

Et souvent, soyons honnêtes les clients n’y voient que du feu : ils sont déjà bien contents d’acheter des données pour pouvoir se rassurer. Tout est bien qui finit bien.

Un cliché est à briser, les UX Designers ne sont pas les spécialistes du comportement humain

La bonne nouvelle sur le marché, il y en a heureusement, c’est qu’entre le début des années 2000 et aujourd’hui, une chose a changé : l’ergonomie informatique et l’UX se sont popularisées auprès des TPE, PME et grands groupes et la place de l’utilisateur n’est plus autant discutée.

En effet, quand j’arrive sur le marché du travail au début des années 2000, l’ergonomie est inconnue au bataillon, l’UX n’existe pas ou si peu, la psychologie se résume dans la tête des recruteurs à l’image d’Épinal de Freud et du divan et aller voir des utilisateurs pour comprendre leurs besoins est impensable dans la plupart des cas : vous dessinerez bien une interface en 5 mn sur un coin de table comme un picasso ? Non ?

Mais avec l’apparition de l’UX et de l’UI, une erreur, pour tout dire une confusion grave s’est propagée sur le marché et dans la tête des clients : le spécialiste des utilisateurs : c’est l’UX designer.

C’est évidemment faux : l’UX designer n’est pas un spécialiste de l’utilisateur.

Etymologiquement, l’UX designer est un spécialiste de l’expérience utilisateur. C’est à dire que son travail consiste à créer des expériences et, souvent, du design de service réel ou digital à l’intention des utilisateurs.

L’ergonome fait de la praticité et tente de résoudre les écarts prescrit-réel, l’UX construit de l’expérience utilisateur et de la loyauté de marque, le marketing imagine des techniques d’acquisition et de placement produit et tous gravitent autour de l’utilisateur et se servent de méthodes issues de la Psychologie et de la Sociologie pour progresser. Mais jusqu’à preuve du contraire aucun d’entre eux, ergonomes mise à part puisque ce sont à l’origine des psychologues, n’a pour métier la compréhension profonde de l’humain et de son comportement.

En effet, les disciplines et les professions qui se donnent pour objet la compréhension de l’humain, seul ou en groupe, ont un nom (et un statut) très clair depuis le XIXème siècle : Psychologie et Sociologie.

Tous les braves gens qui, donc, s’estampillent User researchers, alors qu’ils sont graphistes, maquetteurs, UX, markéteurs ou bien parfois même développeurs et qu’on a bombardé « chercheurs » alors même que leur seul fait d’arme est d’avoir fait passer un ou deux tests utilisateurs sans bien les comprendre est donc un problème grave.

Imaginez que je prétende être chirurgien cardiaque simplement parce que je suis boucher et que je sais découper de la viande : je pense que vous n’allez pas être ravis de votre opération. En effet, ce n’est pas mon métier. Et quand on dépasse son métier, il faut savoir s’arrêter ou bien se former correctement, selon les canons de la discipline. Mais cela semble être le cadet des soucis du marché.

User researcher : une qualification qui fleurte aujourd’hui avec l’illégalité et l’incompétence

L’autre problème, tout aussi grave, c’est que l’on vend ces « User Researchers » comme des chercheurs ou bien comme des Psychologues alors même que les titres de Psychologue, de Sociologue et d’Ethnologue sont des titres protégés qui correspondent à des diplômes universitaires. On est ici dans quelque chose qui fleurte avec l’usurpation ou plus précisément, si l’on fait un parallèle avec la médecine, avec un exercice illégal.

D’autre part, où va le conseil si nos user researchers ne sont pas des psychologues, n’ont pas la formation pour comprendre les utilisateurs, ont une formation au rabais, n’ont aucune notion d’éthique et ne seront en aucun cas capable d’orienter, de conseiller ou même de stopper un client qui ferait n’importe quoi avec ses usagers ?

Alors certes, nous vivons dans un monde où tout va très vite et où on nous explique de plus en plus que les diplômes sont des freins et qu’on peut s’en passer. Discours néo-libéral classique : tout se vaut, toutes les barrières doivent sauter, toutes les règles pour donner cours à la libido. Mais quand les règles sautent, c’est le citoyen et le fait de faire société qui en pâtissent toujours.

Si le marché n’est pas régulé, nous verrons fleurir partout des spécialistes en « User Research » qui auront autant d’étoffe que des coachs en développement personnel et dont la formation se résume à avoir lu « Guérir ses émotions par les plantes » sur un banc de la fnac.

Devenir user researcher : vous ne devez pas tromper le client sur la qualité de la marchandise, vous devez le conseiller, c’est pour cela qu’il achète votre prestation

Insister pour voir l’université former des Psychologues et des Sociologues pendant 5 ans, au minimum, ce n’est pas ici une volonté de ma part de vouloir freiner les choses.

Pour comprendre toute la profondeur des concepts complexes de la Psychologie, pour comprendre tout le merveilleux de l’humain, pour le défendre et même, plus prosaïquement, pour construire des protocoles de tests valides qui vous donnent des résultats fiables, il faut, au minimum, 5 ans d’études. Point à la ligne

Ce n’est pas être bougon que de dire cela : c’est juste que la qualité est au prix du temps passé.

Après, si vous souhaitez devenir user researcher, à vous de choisir : voulez-vous faire sans comprendre ou bien comprendre, inventer et changer les choses ?

Parce qu’en définitive, faire croire qu’on a des Psychologues et des Sociologues dans l’arrière cuisine ou bien inventer une profession fictive de « User Research » comme si elle relevait d’un diplôme et d’une vraie compétence, ça sert ni plus ni moins qu’à tromper le client sur la marchandise mais c’est avant tout vous tromper vous mêmes : vous aurez été formés au rabais.

Comme un faux médecin, vous prescrirez un doliprane à vos patients, qu’ils aient une migraine ou bien un cancer en phase terminale.

Ça ne vous sera pas d’une grande utilité. Ni à vous ni aux clients..

Olivier est le directeur de l'agence de Recherche Utilisateur & Stratégie Utilisateur Fast & Fresh. Spécialiste en comportement consommateur, il travaille avec le laboratoire de Psychologie de Montpellier 3 pour aider les marques à comprendre leurs utilisateurs et à construire de vraies relations de marques et d'entre-aide. Pas de neuromarketing chez Fast & Fresh, nous ne pensons pas que brutaliser vos utilisateurs pour vendre des produits soit la bonne solution.